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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 20:42

PAR JO GATSBY

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Casque et masque, Iran, XVIIe, Musée du Kremlin

Le rythme auquel les évènements "naturels" et politiques soumettent notre capacité à bien recevoir et surtout à mieux comprendre notre village "planétaire" et ses soubresauts nous donne envie de réagir, de tenter quelque chose, mais quoi? Nous sommes tous des nippons ivoiriens de Lybie, pourrais-je dire en plagiant un vieux thème soixante-huitard et malgré cela relativement impuissants face à ces drames, dont la violence coutumière nous semble décuplée par leur seule proximité dans le temps.

 

Mais les choses ne sont pas aussi simples que cette boutade un rien facile pourrait nous le faire croire. Il est sans doute même grand temps d'accepter ce que nous sommes, en réintégrant un peu de silence dans notre quotidien cousu de vanité et d'un confort dont nous ne sommes même plus conscients.

Il est sûr que cette réalité qui nous dérange et qui tue encore plus sûrement des êtres humains en nombre considérable, d'un point de vue médiatique autant que d'un point de vue réel - mais bien moins que nos récentes guerres mondiales à elles seules - trouve son sens implacable et son non-sens certain dans une dimension spatio-temporelle universelle depuis toujours et pourtant fragile ces derniers temps, que nous nous refusons toujours à respecter en la prenant au pied de la lettre, malgré les avertissements réguliers et les secousses tant telluriques que guerrières qui marquent l'humanité dans sa chair comme dans son âme.

Voir nos politiques, nos femmes et hommes d'affaires vaquer plus facilement dans Tokyo qu'à Abidjan ou Tripoli nous interpelle à peine, tant il est admis que l'intérêt qui nous habite bravera plus facilement la détresse d'une grande nation développée touchée au coeur par un désastre naturel et écologique que la misère aggravée par la noire inconscience de dictateurs s'accrochant à leurs petits pouvoirs parce que nous les y avions encouragés voici à peine quelques mois de cela.

Un livre intelligent écrit par un confrère journaliste ivoirien, Venance Konan, souligne à point nommé à quel point est grande la responsabilité de nos présidents successifs dans les hécatombes africaines post-coloniales, ses "Chroniques afro-sarcastiques" brossant au vitriol le portrait des relations d'influences mâtinées d'intérêts pour les matières premières fissibles ou non, de la fin du gaullisme à nos jours.

"Mais là, à Abidjan, l'ONU ne fait rien!", clame Venance, chassé de chez lui par les milices d'un Laurent Gbagbo défendant une "ivoirité" invivable pour l'immense majorité des ivoiriens et leurs ethnies d'origine, sans terre ni asile, qu'une partie de nos politiques de gauche et de droite continuent à soutenir sans se soucier des conséquences léthales de leurs actes.

Nous sommes tous des ivoiriens japonais sous la menace d'une Lybie en pleine implosion civile, meurtrie par la folie d'un homme, d'un clan, mais aussi par les frappes aveugles et sans suite crédible d'une "coalition" agissant plus pour des motifs de politique intérieure chez eux que pour tenter de sauver les vies des rebelles et de leurs proches parents.

La Maison des journalistes de Paris agit en hébergeant Venance Konan et une quinzaine de ses confrères du monde entier dont la vie est menacée par les oukazes de plusieurs dictateurs. Comme K. le caricaturiste iranien, qui est en train de préparer chez nous, en France, une expo internationale des dessins de l'exil, sur l'exil, qui sera inaugurée le 3 mai prochain à la Maison des Journalistes de Paris ( 35, rue Cauchy, Paris 15e).

Radio-France paye le séjour en sécurité et en France de K. Ouest-France finance celui de Venance. D'autres médias prennent en charge les chambres et le minimum vital de treize autres réfugiés, tous gens de presse, tous échappés de peu à des menaces de mort réelles, ou à l'emprisonnement sans motif ni durée connus.

"J'avais créé en Iran l'association des caricaturistes pour les Droits de l'Homme, j'éditais mes dessins sur internet, mais un jour un ami est venu et m'a conseillé de prendre le premier avion pour la Hongrie. La Hongrie n'a pas voulu de moi, je suis arrivé à Paris, laissant là-bas mon fils de douze ans, ma famille", explique K.

K. est aussi un irano-ivoirien-nippon de Lybie post-Khadaffienne, de la plus belle espèce, celle qui sait encore nous apprendre que sa région d'Iran abrite les plus anciennes écritures et les plus anciens dessins du monde, ceux de l'époque dite de Marlyk.

 

Pour aller plus loin :           "Chroniques afro-sarcastiques"

 50 ans d'indépendance, tu parles !

Auteur : Venance Konan
préface de Stephen Smith
Éditeur : Favre, Lausanne (Suisse)
Collection : Dossiers et témoignages

Description : 149 pages - 18 euros

Contact : Maison des journalistes de Paris

maison.journalistes@wanadoo.fr

www.maisondesjournalistes.org

Tél: 01 40 60 04 02

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